Acquisition et traitement de la donnée archéologique.
1. Caractérisation chimique et isotopique du mobilier archéologique. Complémentaire à l’étude typologique, les analyses chimiques et isotopiques permettent d’entrer dans l’intimité des objets en caractérisant la matière qui les constitue. Les premières nous renseignent sur la nature du métal, allié ou non, puis, grâce à l’étude des impuretés ou éléments traces, sur la « recette» mise en œuvre (Rychner et Kläntschi, 1995). Les secondes peuvent également permettre une réflexion sur l’origine du métal (e.g. Niederschlag et al., 2003). L’idée de base est simple et semble séduisante à priori : il s’agit de comparer les signatures isotopiques en Pb des objets à celles des minéralisations d’où le métal est potentiellement issu. Bien qu’alléchante dans son principe, cette approche souffre de nombreux problèmes au point que certains auteurs appellent à une remise à plat de toute la méthodologie (Pollard et Heron, 1996).
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D’abord, la réponse fournie par la technique isotopique n’est pas univoque puisque plusieurs gisements sont susceptibles de présenter la même signature isotopique, d’autant plus que cette signature est souvent variable au sein d’une même minéralisation. De ce fait, il n’est pas possible d’attribuer positivement un objet à une source.
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Toutes les minéralisations exploitées au cours de la protohistoire n’ont vraisemblablement pas été identifiées et, a fortiori, fait l’objet d’analyses isotopiques.
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Finalement, les compositions isotopiques des artefacts produits à la suite de recyclage d’objets usagés ne trahissent en aucune façon l’origine du métal.
Ce bref inventaire souligne clairement les faiblesses de l’approche isotopique lorsqu’il s’agit de déterminer l’origine géographique du métal. Mais il serait sans doute hâtif d’abandonner un paramètre qui est pourtant tout à fait caractéristique du métal, d’autant plus que, contrairement à la composition chimique, il n’est pas affecté par les mécanismes de fractionnement intervenant tout au long des multiples étapes composant la chaîne métallurgique. L’outil isotopique ne serait donc pas inadapté à l’archéologie. Seule la question de l’origine ne pourrait être résolue de façon claire par cette méthode, et cela malgré les milliers d’analyses isotopiques de gisements, spécialement entreprises dans le cadre d’une recherche de provenance.
L’idée développée est la suivante : l’objet n’y est plus considéré comme un individu à part entière pour lequel il faut déterminer l’origine du métal qui le compose, mais comme membre d’un lot (le dépôt par exemple), caractérisé par sa tendance centrale et par son homogénéité ou sa disparité. De ce fait, les problèmes sont maintenant abordés en termes de statistiques des populations et non plus en termes d’individus. Les comparaisons effectuées entre lots (i.e. les dépôts), choisis selon des critères géographiques ou chronologiques, devraient donc permettre la mise en évidence de différences dans les pratiques métallurgiques ou dans l’origine du métal (sans bien sûr en préciser l’origine géographique exacte). L’étude approfondie de la disparité au sein des lots, qu’elle soit d’ordre chimique ou isotopique, pourrait également permettre d’évaluer l’intensité du recyclage, sachant que plus le métal est recyclé par mélange, plus l’ensemble des individus converge vers la tendance centrale. Cette approche souffre néanmoins d’un handicap sévère: elle nécessite un grand nombre d’analyses pour être pleinement applicable. C’est pourquoi nous envisageons d’étendre cette approche à un grand nombre de dépôts, notamment ceux découverts dans le Centre-Est de la France.
Action finalisée sur le sujet
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Analyse chimique des dépôts de Larnaud et Sermizelles: Gabillot, et al. (2009) Actes du colloque en hommage à C. Millote, Besançon.
Actions en cours de finalisation ou en projet
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Métallurgie sur le Mt Liausson, Hérault: Feugère, et al. en prep.
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Analyse chimique et isotopiques de dépôts (Age du Bronze) découverts dans le Centre – Est de la France.
2. Morphométrie du mobilier archéologique. Les traces matérielles d’exploitations minières précoces sont souvent ténues et difficiles à reconnaitre, de sorte que, pratiquement, seuls nous parviennent les objets métalliques, stades ultimes de la longue chaîne métallurgique à l’Age du Bronze. La période du Bronze Moyen (1650 – 1350 av. J.-C.) se caractérise par une augmentation très nette du nombre d’objets dans les dépôts.
Parmi tous les objets constituant ces ensembles métalliques, les haches à talons sont particulièrement bien représentées. En France, au sein de l’ensemble des haches à talon pouvant être identifiées, deux grands types ont été reconnus par Briard et Verron (1976) : les haches bretonnes et les haches normandes. Parmi les nombreux critères permettant de les différencier, l’allure du profil latéral semble être particulièrement discriminante. C’est précisément cette hypothèse que nous avons testé en utilisant un traitement du profil par DCT (Discrete Cosine Transform), une procédure déjà utilisée par Cyril et Jean-Louis Dommergues (Biogéosciences, Université de Bourgogne) pour opérer des regroupements au sein d’un lot d’ammonites sur la base de l’allure de leurs côtes (Dommergues et al., 2006, 2007). Cette procédure, particulièrement bien adaptée au traitement de courbes ouvertes décompose le signal, le profil en l’occurrence, en une somme de fonctions trigonométriques, dont chaque harmonique possède sa propre amplitude. Il s’avère que les haches provenant des deux dépôts de Sermizelles (Bourgogne), précédemment identifiées comme d’origines bretonnes ou normandes, présentent une disparité de forme bien trop grande pour être le résultat de ce simple mélange. Une ou plusieurs autres sources mineures doivent donc être invoquées. Il pourrait s’agir d’imitations, pourquoi pas locales, d’autant que l’utilisation des minéralisations du Morvan est suggérée par l’étude paléoenvironnementale. Le Bronze Moyen voit la montée en puissance des besoins et des diffusions à partir des zones de productions en série. Cette étude est la démonstration qu’au-delà de ce scénario général basé sur la diffusion ‘commerciale’ d’objets, on assiste également à une transmission des idées et des techniques permettant la fabrication de copies dans des zones éloignées des aires principales de production. L’approche morphométrique utilisée ici est rapide, reproductible et suffisamment généralisable pour être appliquée à une large variété d’objets de différentes périodes afin de clarifier leur typologie et éventuellement leur origine. Outre la définition d’une forme type, qui correspond au centroïde de l’espace morphométrique, elle permet de quantifier et de visualiser la disparité des formes, habituellement inaccessible à l’œil nu et pourtant aussi chargée de sens que la tendance centrale.
Ce type de travail se poursuit actuellement avec une spatialisation de l’information en collaboration avec les archéologues du laboratoire ARTéHIS (M. Gabillot, entre autres), les morphométriciens du laboratoire Biogéosciences (P. Alibert, R. Laffont) et l’Institut de Mathématiques de Bourgogne (A. Jébrane).
Action finalisée sur le sujet
- Morphométrie des haches à talon. Types bretons et normands. Exemplaires de Sermizelles: Forel et al. (2009) J. Archaeol. Sc. 36, 721-729.
- Morphométrie des haches à talon. Spatialisation de l’information morphométrique. Monna et al. (2013) J. Archaeol. Sc. 40, 507-516
Actions en cours de finalisation ou en projet
- Morphométrie des céramiques de l’âge du Fer, Wilczek et al. en prep.