Projet “Identification et impact des sites miniers abandonnés sur les écosystèmes aquatiques et terrestres actuels”
Les photos et la vidéo de la dernière campagne de pêche dans le Morvan sont en ligne.
Tagged AQUABIO, archéologie, bibracte, contamination, diaporama, Estelle Camizuli, géochimie, Massif Central, métallurgie, métaux, mine, Morvan, pêche, pêche électrique, photo, plomb, pollution, reportage, terrain, vidéo, Zmantar
Plus de 70 sites miniers anciens ont été récemment mis en évidence sur le territoire de 10 communes périphériques de Bibracte – Haut Morvan (Gourault, 2009). Ils se positionnent dans l’emprise de zones très enrichies en métaux non-ferreux, dont les teneurs peuvent localement atteindre 20 fois la moyenne régionale. Par ailleurs, deux études récentes réalisées dans le Parc National des Cévennes ont montré que d’anciennes zones minières – même abandonnées – étaient fortement impliquées dans la dissémination et la rémanence des micropolluants métalliques. Il s’est avéré que les truites (Salmo trutta fario Linnaeus), bons bioindicateurs des écosystèmes aquatiques, ont subi un impact écologique lié à ces activités ; certaines remontant à plusieurs milliers d’années (Monna et al., sous presse). Compte tenu de ces acquis, nous développons aujourd’hui un projet de recherche qui vise à identifier les mines abandonnées et à évaluer leur impact sur les écosystèmes aquatiques et terrestres actuels dans le Morvan et les Cévennes. Signalons que ces zones protégées de moyenne montagne sont supposées a prioripeu polluées et, de ce fait, souffrent face aux zones urbaines ou industrielles, d’un important déficit d’études environnementales traitant spécifiquement de la contamination métallique. Déficit qu’il convient de combler aujourd’hui.
Le Morvan est un maillon de la chaîne hercynienne de l’Europe occidentale qui se situe à l’intersection de ceintures d’ampleur continentale enrichies en métaux (Routhier, 1980). Les gîtes minéraux y sont nombreux et à contenu varié, mais il s’agit principalement de gisements de faible ou de moyenne importance. Ces gîtes sont localisés aussi bien dans le vieux socle que sur les marges du massif où ont été reconnues des concentrations à fluorine-plomb-argent de typologie originale. D’un point de vue géochimique, le Morvan se singularise par d’importantes anomalies en plomb, zinc, argent, arsenic, cuivre, cadmium, tungstène et baryum au sein desquelles de nombreuses occurrences inédites restent à mettre en évidence ; ces éléments localement très concentrés ont pu être lessivés au cours du temps et entraînés dans les sols et les eaux (eaux de mine chargées en métaux, aires de traitement contaminées, diffusion des polluants par lessivage, ravinement, etc). Une première étude statistique, basée sur les résultats obtenus dans le territoire-pilote des 10 communes périphériques de Bibracte, suggère que le Morvan possède un potentiel en sites miniers anciens qui peut être estimé à un millier d’unités. L’identification de ces sites miniers et métallurgiques est donc indispensable, tout comme l’est celle des métaux qui y ont été exploités, si l’on veut circonscrire les aires de diffusion des polluants métalliques dans l’environnement. Le travail de caractérisation est entrepris dans les secteurs du Morvan qui présentent de fortes potentialités métallogéniques. Il s’agit de recherches sur le terrain qui nécessitent l’établissement préalable de cartes d’anomalies (gîtes minéraux, géochimie, prospection alluvionnaire). Ces recherches intègrent les sites métallurgiques liés aux mines avec une attention toute particulière portée au traitement des métaux non-ferreux, principaux générateurs de pollutions. Des levés et des études métallogéniques sont réalisés pour chaque site majeur. Un échantillonnage, systématiquement réalisé sur les zones découvertes, fait l’objet d’études minéralogiques dont l’objectif principal est d’identifier les métaux jadis exploités.
Il existe également une contribution naturelle qui provient de la percolation des eaux de ruissellement à travers les parties superficielles des gîtes minéraux ; elle est également à prendre en considération. Pour chaque substance polluante, des cartes de concentration des territoires les plus exposés sont établies. De là, une carte synthétique sera proposée aux acteurs et aux organismes concernés par la santé et l’environnement, en tant qu’outil d’aide à la décision. Les matériels et les méthodes sont résumés dans la Figure 1.
Le deuxième volet du projet a pour objectif de préciser la part des éléments traces métalliques issus des sites miniers abandonnés et assimilables par les organismes vivants.Il s’articule suivant trois axes principaux:
La biodisponibilité dans l’écosystème aquatique est évaluée comme dans l’étude préliminaire via Salmo trutta fario Linnaeus ; un poisson ubiquiste, abondant, relativement sédentaire, et qui est fréquemment utilisé comme biomoniteur (e.g. Olsvik et al., 2001). Il nous renseigne essentiellement sur les transferts liés au lessivage des sites miniers et des sols contaminés environnants.
Concernant l’écosystème terrestre, le mulot (Apodemus sp.) possède les mêmes qualités. Le transfert métallique s’effectue par contact et ingestion. Sa position à la base de la chaine trophique permet de s’affranchir des biais induits par les processus d’accumulation / élimination à chaque étage de prédation. Il nous renseigne sur la biodisponibilité de la contamination accumulée dans les sols par dépôt atmosphérique ou par stockage direct de déchets métallurgiques. La bonne connaissance de son domaine vital permet l’obtention de cartes de biodisponibilité autour des édifices miniers.
Les recherches préliminaires réalisées au printemps 2010 ont permis de sélectionner 3 zones contrastées dans le Morvan : (i) Chitry-les-Mines, mine de plomb argentifère médiévale exploitée jusqu’à la Renaissance; (ii) la Ruchette, près du Mont Beuvray, mine de fer antique réexploitée à la période Moderne, qui présente des ateliers métallurgiques en cours de datation radiocarbone, et un secteur aux alentours de (iii) Gien-sur-Cure, qui ne présente aucun site minier connu, et qui par conséquent pourra être utilisé comme site de référence. A titre indicatif notons que les concentrations en Pb dans ces sols atteignent ponctuellement 10 000 mg kg-1 à Chitry, 1000 mg kg-1 à La Ruchette et 10 mg kg-1 à Gien-sur-Cure ; la valeur 100 mg kg-1 correspondant au seuil à partir duquel un sol est considéré comme contaminé. Ces sites constituent les principales zones d’étude dans le Morvan. La cartographie de ces sols et de leurs teneurs en métaux sur une surface couvrant 1 km2 est actuellement en cours dans le Morvan (100 points par site). Ces informations permettront de mettre en regard la contamination de la faune et les paramètres abiotiques caractérisant les sols et les sédiments. En outre des prélèvements spécifiques de sols ont déjà été effectués afin de réaliser des extractions cinétiques. Il s’agit d’une technique susceptible de caractériser plus finement la biodisponibilté que l’analyse totale (Labanowski et al. 2008). Les matériels et méthodes sont résumés dans la Figure 2.
Les premiers éléments recueillis lors de l’étude menée dans le Parc national des Cévennes sont surprenants. Les teneurs en éléments traces retrouvées dans les foies et les chairs de 120 truites prélevées sur six sites démontrent l’impact des mines en déshérence (Pb, Cd), notamment pour les sites les plus récents (c’est-à-dire post-XVIIIe siècle). Les concentrations atteignent 100 mg kg-1 pour le Pb et 40 mg kg-1 pour le Cd dans les foies secs ; de tels niveaux sont rarement reportés dans la littérature. Sur l’un des sites, la concentration en Pb et/ou en Cd des chairs dépasse, pour la moitié des truites, les seuils de consommabilité fixés par l’UE. Dans ce contexte, l’instabilité de développement morphologique des truites a été déterminée par le biais des niveaux d’asymétrie fluctuante (Alibert et al., 2002). Des relations nettes sont apparues entre concentrations en métaux lourds dans les foies et les niveaux d’asymétrie fluctuante. Le stress environnemental est tel qu’il semble affecter ici la qualité du développement des individus. Les résultats dans le Morvan, aujourd’hui en cours d’acquisition, pourraient bien nous réserver quelques surprises.
Ce programme de recherche est co-financé par le Fonds Européen de Développement Régional (FEDER), le Conseil Régional de Bourgogne, l’Université de Bourgogne, le Parc national des Cévennes, l’Unité Mixte de Recherche 5594 ARTéHIS, le Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, le Centre Archéologique Européen du Mont Beuvray. Il est soutenu activement par le Parc naturel régional du Morvan.
Bibliographie
Composition de l’équipe
Alibert, P.1 ; Beis, P.2 ; Bermond, A.3 ; Bohard, B.2 ; Camizuli, E. 2 ; Delivet, G. 2 ; Gourault, C.2 ; Guillaumet, J.P.2; Hamm, G.2 ; Labanowki, J.4 ; Lachiche, C.2 ; Losno, R.5 ; Monna, F.2 ; Pereira, A.2 ; Petit, C.6 ; Revelli, P.7 ; Scheifler, R.8 ; van Oort, F.9
1 : UMR 5561, Biogeosciences, Université de Bourgogne – CNRS, Boulevard Gabriel, Bat. Gabriel, F-21000 Dijon, France
2: UMR 5594, ARTéHIS, Université de Bourgogne – CNRS-culture, Boulevard Gabriel, Bat. Gabriel, F-21000 Dijon, France
3 : AgroParis Tech., Laboratoire de Chimie Analytique, 16 rue C. Bernard, 75231 Paris Cedex 05, France
4 : UMR 6008, Laboratoire de chimie et microbiologie de l’eau, CNRS, Université de Poitiers, ENSIP, 1 rue M. Doré, F-86022 Poitiers cedex, France
5 : UMR 7583, LISA, Universités Paris 7-Paris 12 – CNRS, 61 av. du Gal de Gaulle F-94010 Créteil Cedex, France
6 : UMR 7041 ARSCAN “Archéologie et sciences de l’Antiquité”, Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 3 rue Michelet, F-75006 Paris, France
7 : Cabinet vétérinaire, rue de la paix, F-63630, St Germain l’Herm, France
8 : UMR 6249, Laboratoire Chrono-Environnement, Université de Franche-Comté – CNRS, 16 route de Gray F-25030 Besançon Cedex, France.
9 : I.N.R.A. UR 251-PESSAC, Physico-chimie et Ecotoxicologie des SolS d’Agrosystèmes Contaminés, RD 10, 78026 Versailles Cedex, France
Le programme scientifique est conduit par Fabrice Monna.
Tagged archéologie, bibracte, Cévennes, contamination, écotoxicologie, Estelle Camizuli, géochimie, géologie, Massif Central, métallurgie, métaux, mine, Morvan, pêche, plomb, pollution, sol, truite
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1. Caractérisation chimique et isotopique du mobilier archéologique. Complémentaire à l’étude typologique, les analyses chimiques et isotopiques permettent d’entrer dans l’intimité des objets en caractérisant la matière qui les constitue. Les premières nous renseignent sur la nature du métal, allié ou non, puis, grâce à l’étude des impuretés ou éléments traces, sur la « recette» mise en œuvre (Rychner et Kläntschi, 1995). Les secondes peuvent également permettre une réflexion sur l’origine du métal (e.g. Niederschlag et al., 2003). L’idée de base est simple et semble séduisante à priori : il s’agit de comparer les signatures isotopiques en Pb des objets à celles des minéralisations d’où le métal est potentiellement issu. Bien qu’alléchante dans son principe, cette approche souffre de nombreux problèmes au point que certains auteurs appellent à une remise à plat de toute la méthodologie (Pollard et Heron, 1996).
Ce bref inventaire souligne clairement les faiblesses de l’approche isotopique lorsqu’il s’agit de déterminer l’origine géographique du métal. Mais il serait sans doute hâtif d’abandonner un paramètre qui est pourtant tout à fait caractéristique du métal, d’autant plus que, contrairement à la composition chimique, il n’est pas affecté par les mécanismes de fractionnement intervenant tout au long des multiples étapes composant la chaîne métallurgique. L’outil isotopique ne serait donc pas inadapté à l’archéologie. Seule la question de l’origine ne pourrait être résolue de façon claire par cette méthode, et cela malgré les milliers d’analyses isotopiques de gisements, spécialement entreprises dans le cadre d’une recherche de provenance.
L’idée développée est la suivante : l’objet n’y est plus considéré comme un individu à part entière pour lequel il faut déterminer l’origine du métal qui le compose, mais comme membre d’un lot (le dépôt par exemple), caractérisé par sa tendance centrale et par son homogénéité ou sa disparité. De ce fait, les problèmes sont maintenant abordés en termes de statistiques des populations et non plus en termes d’individus. Les comparaisons effectuées entre lots (i.e. les dépôts), choisis selon des critères géographiques ou chronologiques, devraient donc permettre la mise en évidence de différences dans les pratiques métallurgiques ou dans l’origine du métal (sans bien sûr en préciser l’origine géographique exacte). L’étude approfondie de la disparité au sein des lots, qu’elle soit d’ordre chimique ou isotopique, pourrait également permettre d’évaluer l’intensité du recyclage, sachant que plus le métal est recyclé par mélange, plus l’ensemble des individus converge vers la tendance centrale. Cette approche souffre néanmoins d’un handicap sévère: elle nécessite un grand nombre d’analyses pour être pleinement applicable. C’est pourquoi nous envisageons d’étendre cette approche à un grand nombre de dépôts, notamment ceux découverts dans le Centre-Est de la France.
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2. Morphométrie du mobilier archéologique. Les traces matérielles d’exploitations minières précoces sont souvent ténues et difficiles à reconnaitre, de sorte que, pratiquement, seuls nous parviennent les objets métalliques, stades ultimes de la longue chaîne métallurgique à l’Age du Bronze. La période du Bronze Moyen (1650 – 1350 av. J.-C.) se caractérise par une augmentation très nette du nombre d’objets dans les dépôts.
Parmi tous les objets constituant ces ensembles métalliques, les haches à talons sont particulièrement bien représentées. En France, au sein de l’ensemble des haches à talon pouvant être identifiées, deux grands types ont été reconnus par Briard et Verron (1976) : les haches bretonnes et les haches normandes. Parmi les nombreux critères permettant de les différencier, l’allure du profil latéral semble être particulièrement discriminante. C’est précisément cette hypothèse que nous avons testé en utilisant un traitement du profil par DCT (Discrete Cosine Transform), une procédure déjà utilisée par Cyril et Jean-Louis Dommergues (Biogéosciences, Université de Bourgogne) pour opérer des regroupements au sein d’un lot d’ammonites sur la base de l’allure de leurs côtes (Dommergues et al., 2006, 2007). Cette procédure, particulièrement bien adaptée au traitement de courbes ouvertes décompose le signal, le profil en l’occurrence, en une somme de fonctions trigonométriques, dont chaque harmonique possède sa propre amplitude. Il s’avère que les haches provenant des deux dépôts de Sermizelles (Bourgogne), précédemment identifiées comme d’origines bretonnes ou normandes, présentent une disparité de forme bien trop grande pour être le résultat de ce simple mélange. Une ou plusieurs autres sources mineures doivent donc être invoquées. Il pourrait s’agir d’imitations, pourquoi pas locales, d’autant que l’utilisation des minéralisations du Morvan est suggérée par l’étude paléoenvironnementale. Le Bronze Moyen voit la montée en puissance des besoins et des diffusions à partir des zones de productions en série. Cette étude est la démonstration qu’au-delà de ce scénario général basé sur la diffusion ‘commerciale’ d’objets, on assiste également à une transmission des idées et des techniques permettant la fabrication de copies dans des zones éloignées des aires principales de production. L’approche morphométrique utilisée ici est rapide, reproductible et suffisamment généralisable pour être appliquée à une large variété d’objets de différentes périodes afin de clarifier leur typologie et éventuellement leur origine. Outre la définition d’une forme type, qui correspond au centroïde de l’espace morphométrique, elle permet de quantifier et de visualiser la disparité des formes, habituellement inaccessible à l’œil nu et pourtant aussi chargée de sens que la tendance centrale.
Ce type de travail se poursuit actuellement avec une spatialisation de l’information en collaboration avec les archéologues du laboratoire ARTéHIS (M. Gabillot, entre autres), les morphométriciens du laboratoire Biogéosciences (P. Alibert, R. Laffont) et l’Institut de Mathématiques de Bourgogne (A. Jébrane).
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1. Les tourbières comme archives de l’histoire de la métallurgie. Il est aujourd’hui assez bien établi que le travail du métal s’est propagé en Europe de l’Est vers l’Ouest, pour simplifier des Balkans vers l’Arc Nord Alpin, et finalement vers la façade atlantique (Gale et al., 1991). Cependant, au delà de ce schéma général, de nombreuses questions subsistent car les découvertes de terrain illustrant la chaîne opératoire métallurgique depuis l’acquisition du minerai jusqu’à sa circulation et son utilisation au cours de la protohistoire sont exceptionnelles. Dans un premier temps, il s’agirait d’identifier les centres de production, même mineurs, ce qui permettrait, par extension, d’établir des réseaux d’échanges, témoins oubliés d’une certaine organisation sociale ou politique.
Si les témoignages matériels de travaux d’extraction ou de transformation du minerai ont le plus souvent disparu dans les reprises d’exploitation postérieures, les bouleversements environnementaux qui les ont accompagnés, tels que la contamination en métaux lourds (Rosman et al., 1997) et les modifications du couvert végétal (Richard et Eschenlhor, 1998), peuvent avoir laissé des traces persistantes dans les environnements superficiels. Il s’agit de sélectionner un objet naturel capable de préserver sur le long terme ces informations, puis de les restituer. Les tourbières possèdent de telles qualités car, contrairement aux sols qui accumulent indistinctement les dépôts atmosphériques dans leurs horizons de surface, les tourbières constituent un lent enregistrement dont la chronologie peut être facilement établie sur la base de datations au radiocarbone réalisées à différentes profondeurs (e.g. Martínez-Cortizas et al., 2002). Si des travaux miniers et métallurgiques conséquents ont bien eu lieu sur le site, parions qu’ils ont engendré des prélèvements massifs en bois. De telles pratiques sont susceptibles d’introduire des bouleversements dans la végétation aux alentours, et en conséquence, des modifications dans la composition de la pluie pollinique enregistrée dans les tourbières.
C’est par la combinaison de ces deux approches (géochimie et paléobotanique) que nous avons choisi d’aborder la question de l’activité minière sur de nombreux sites en France et à l’étranger possédant un fort potentiel minier. Un important travail a déjà été réalisé sur le site de Bibracte en relation étroite avec le Centre Archéologique Européen du Mont Beuvray. Dès 1999, des prospections pédestres menées sur le Mont Beuvray (Morvan) avaient permis de repérer une dizaine de longues tranchées partiellement comblées qui étaient suspectées d’être des minières (Guillaumet et al., 2001). Dans le cadre de la recherche sur les paléométallurgies celtiques sur le Mont Beuvray (resp. C. Petit, financement Centre Archéologique Européen du Mont Beuvray), une première carotte de tourbe a donc été prélevée au lieu-dit « le Port-des-Lamberts » situé à quelques kilomètres au nord de l’oppidum celtique de Bibracte. Son étude a été réalisée en étroite collaboration avec Isabelle Jouffroy et Hervé Richard, Laboratoire de Chrono-écologie, Université de Franche-Comté. Fort de ces résultats publiés dans une revue environnementale généraliste (Monna et al., 2004), et identifiés par le CNRS comme projet innovant, trois nouvelles séquences ont plus récemment été prélevées dans la Nièvre : près d’Arleuf, aux environs de Saint-Agnan, et à Prémery. Ce travail a été effectué par Benoît Forel dans le cadre de sa thèse de doctorat co-dirigée par Claude Mordant et moi-même, financée par l’ACR « Bronze » dir. Jean-François Piningre (conservateur du patrimoine, SRA Besançon) et par un projet de conservation des zones humides de Prémery (dir. Isabelle Jouffroy-Bapicot, Université de Franche-Comté).
Il s’avère que les analyses géochimiques et polliniques confirment le caractère très local des activités minières et métallurgiques puisque les trois séquences fournissent des histoires différentes. S’il s’était agi d’une pollution plus globale, tous les sites auraient fourni approximativement le même profil. Les tableaux ci-dessous récapitulent les actions déjà réalisées sur le même thème et celles en voie d’achèvement.
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Dans les prochaines années, il s’agira de concentrer l’effort de recherche sur des sites ayant connus des métallurgies précoces afin d’appréhender la dynamique d’occupation des territoires. La Jordanie pourrait constituer un chantier d’étude particulièrement intéressant via des collaborations étroites avec les Universités de Reading (School of Human & Environmental Sciences, Claire Rambeau et Stuart Black) et de Amman (Département de Botanique, Dawud Al-Eisawi), suite aux deux missions de terrain effectuées en 2007 et 2008. Outre cette approche archéologique et paléoenvironnementale, il est également important de cibler des enregistrements situés à des hautes latitudes, comme par exemple au Groenland (coll. Université de Franche-Comté), afin de préciser les modes de dissipation des polluants à grande échelle. L’identification d’un ou de plusieurs éléments susceptibles de tracer le type de métallurgie (plomb, cuivre ?) qui a pris place dans le passé constitue également un défi que nous devons relever afin d’étendre le potentiel de l’approche paléoenvironnementale. D’après les premiers résultats obtenus, notamment dans le cadre de recherches effectuées dans les Pyrénées Centrales, le bismuth pourrait être un bon traceur de la métallurgie du plomb/argent et posséder les qualités requises assurant l’intégrité du signal géochimique. Tout cela doit néanmoins être vérifié.
2. Persistance des micropolluants dans les sols. Au cours du temps, les sols accumulent indistinctement les polluants déposés par voie atmosphérique dans les horizons de surface. De là, on assiste à une lente migration en profondeur dont on peut, au mieux, observer l’état actuel par la mesure de la distribution des éléments traces métalliques au sein d’un profil de sol. Compte tenu de l’absence de connaissance sur l’évolution de ces distributions dans le passé et du manque de données concernant les flux atmosphériques historiques, il n’est généralement pas possible de modéliser les mécanismes de migration des micropolluants métalliques. Sur le territoire français, il existe pourtant d’importants sites miniers et métallurgiques anciens dont la chronologie est bien connue. Les contaminations générées par ces activités constituent autant d’analogues archéologiques ou historiques susceptibles d’illustrer le comportement des métaux dans les sols à une échelle temporelle (milliers d’années) qui est importante dans l’analyse du risque environnemental sur le long terme.
L’objectif est donc d’établir à moyen terme un modèle fidèle et prédictif du transfert des métaux dans les sols naturels. Pour cela il sera nécessaire de confronter les expériences acquises à la fois sur les tourbières et sur les sols. Dans un premier temps, il s’agira d’identifier des tourbières situées à proximité de ces sites miniers, puis de déterminer précisément l’histoire, la magnitude des flux anthropiques des éléments qui n’ont pas subit de migration post-dépôt, et l’évolution temporelle de la signature isotopique en plomb du contaminant. Une fois cette étape réalisée, il s’agira d’identifier, de sélectionner et de caractériser des sols voisins qui n’ont pas été soumis à des phénomènes d’érosion ou de sédimentation, puis d’établir la distribution en éléments traces et majeurs à des échelles pertinentes : celles des horizons, des constituants et des micro-organisations (van Oort et al., 2002). L’application de telles études, en collaboration avec Folkert van Oort de l’INRA de Versailles permettra d’appréhender la séquestration mutuelle carbone-métaux sur le long terme, d’établir la chronologie dans le cas du plomb, et de démontrer le caractère récalcitrant du carbone dans les complexes organométalliques.
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3. Persistance de témoins de l’activité anthropique au sein du patrimoine bâti. Les matières en suspension collectées sur des filtres à des pas de temps plus ou moins longs constituent de bons supports pour étudier la qualité de l’air. Néanmoins, les éléments qui leur sont associés montrent en général une grande variabilité tant en concentration qu’en origine. En milieu urbain, une approche beaucoup plus naturelle consisterait à utiliser directement les façades de bâtiments comme indicateurs de la pollution atmosphérique à laquelle ils ont été soumis depuis leur construction (ou leur éventuel nettoyage). Il est bien connu que l’émission de dioxyde de soufre par l’activité anthropique provoque sur les bâtiments calcaires la cristallisation de gypse (Simao, 2006). Ce gypse incorpore les poussières ambiantes, les suies résultant des combustions et d’autres particules anthropiques d’origines variées, ce qui donne à la façade sa teinte sombre correspondant à la ‘croûte noire’ (Ausset, 1999).
En 2006, un programme regroupant des spécialistes (géochimie, magnétisme, bâti) issus des Universités de Bourgogne, de La Rochelle, de Paris XII, et de Reims a été initié. Le but était de tester les capacités des façades calcaires à retenir l’information environnementale et à fournir des indications sur la magnitude, l’origine et la dispersion des micropolluants métalliques en milieu urbain. Certains paramètres magnétiques, comme la susceptibilité magnétique, peuvent être utiles pour atteindre cet objectif. En effet, les combustions à haute température produisent des sphérules magnétiques de tailles micrométriques qui sont très concentrées en métaux. Ce matériel magnétique présente l’avantage d’être rapidement et précisément mesurable, de sorte qu’il est susceptible de fournir à bas coût un indicateur de pollution (Sagnotti et al., 2006). Cependant, il n’avait jamais été testé sur le bâti. Cette étude, menée à partir de plusieurs façades du lycée Carnot, construit fin XIXe siècle à Dijon et aujourd’hui très exposé à la pollution urbaine, a fournit des pistes de recherche originales et prometteuses. Il s’avère que les façades calcaires ont conservé des traces de la pollution atmosphérique passée (les émissions liées à l’utilisation de charbon sont par exemple toujours visibles), mais elles peuvent avoir été altérées du fait de l’exposition directe à la pluie ou du micro-ruissellement observé à la surface des pierres de construction ; les particules anthropiques et naturelles étant soumises à des mécanismes de compétition dynamique agissant entre les phénomènes de dépôt/précipitation et lessivage par la pluie.
Nous poursuivons actuellement les recherches sur ces ‘géoaccumulateurs’ que sont les façades de bâtiments. Il s’agit maintenant de déterminer plus particulièrement les mécanismes et la dynamique d’accumulation afin de préciser les modalités de conservation des informations géochimiques et magnétiques et l’impact des polluants dans les processus de dégradation du patrimoine bâti. Ce travail sur les mécanismes est d’autant plus important que la nature des polluants émis par l’activité anthropique n’a cessé d’évoluer au cours du XXe siècle. Les attendus sont doubles. D’une part nous espérons tester les potentialités des géoaccumulateurs dans l’évaluation de la qualité de l’air actuelles et passées. D’autre part, déterminer les relations entre accumulation / dégradation de la pierre et origine du polluant afin de proposer des scénarios prédictifs d’altération du bâti.
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